dimanche 21 avril 2013

ESG et Marchés Emergents: Les Liens se Resserrent

Un certain nombre d’études et de développements récents démontre le rapprochement constant entre le domaine de l’investissement responsable et des questions ESG et celui de l’investissement dans et par les pays émergents. Acteurs et analystes de ces marchés notent trois raisons motivant cette intégration croissante :

  1. D’abord, la croissance dans les pays émergents et frontaliers se diversifie et ne concerne plus que les domaines traditionnels de l’infrastructure et de l’extraction. Cette diversification, de même que la montée d’une classe moyenne éduquée (souvent à l’extérieur), impliquent que les questions de développement durable entrent plus fréquemment dans le discours et les décisions économiques.

2. Dans les pays émergents les plus avancés, un nombre d’entreprises entrent en phase de maturité. Elles peuvent avoir à faire face à des contraintes environnementales ou de l’ordre de l’utilisation des ressources, de même qu’à des exigences de transparence en matière de gouvernance émanant des investisseurs étrangers. Elles peuvent alors réaliser qu’une différenciation sur la base des critères ESG peut leur donner un avantage comparatif.

3. Alors que la qualité de l’information ESG dans les pays émergents laissait à désirer par le passé, l’écart avec les pays industrialisés se comble rapidement et beaucoup de compagnies choisissent la Global Reporting Initiative (GRI) pour publier un rapport développement durable. A ces développements s’ajoute le lancement de deux nouveaux indices combinant information ESG et marchés émergents. En février, le spécialiste de l’investissement responsable RobecoSAM a lancé avec S&P Dow Jones le Dow Jones Sustainability Emerging Markets Index qui répertorie 69 compagnies.

En mars, Northern Trust a lancé avec MSCI ESG Research un indice d’actions en pays émergents qui intègrera les données ESG dans la sélection des titres.

Alors que les investisseurs désirent accroître leur exposition dans les pays émergents, ils cherchent aussi à améliorer leur niveau d’information et de contrôle sur la gouvernance des entreprises choisies. L’indice permettra donc de filtrer les titres jugés non satisfaisants au plan de la gouvernance et de l’indépendance des administrateurs ou de l’exécutif.
Un premier filtre élimine les entreprises qui n’observent pas les 10 principes du Pacte Mondial de l’ONU alors que les deuxième et troisième filtres éliminent les fabricants d’armes et de tabac. Ces liens croissants entre ESG et marchés émergents ne manqueront pas d’avoir des implications pour les métiers de la finance, et de la gestion d’actifs en particulier.

Ces implications concerneront au minimum les stratégies d’investissement et le contenu de l’analyse, mais aussi le recrutement et l’organisation des équipes. On peut imaginer des structures matricielles où les aspects ESG et économies émergentes se chevaucheraient. Cette intégration pourrait aussi entraîner des relocalisations, déjà nombreuses en Europe. Hors marchés émergents cette fois-ci, la semaine dernière l’Union Européenne a adopté une règlementation qui mandatera la publication des données ESG à toute entreprise de plus de 500 employés. Celles-ci devront expliquer dans un rapport leur stratégie, leurs résultats et leurs risques dans les domaines environnementaux, sociaux et RH, des droits humains, et des mesures anti-corruption.

De plus, les grandes entreprises cotées devront soumettre des informations en matière de diversité des effectifs : sexe, cursus scolaire et parcours professionnel, représentation géographique, âge, etc. Selon Michel Barnier, Commissaire en charge du marché intérieur et des services, les entreprises qui respectent les normes ESG ont une gestion à plus long terme, leurs coûts de financement sont plus bas, leur capacité à attirer et à garder les talents est supérieure, elles sont plus compétitives, et donc plus à même de créer des emplois. Les entreprises auront le choix de plusieurs normes nationales ou internationales pour publier ces informations, dont par exemple ISO 26000 ou le GRI (Global Reporting Initiative).

La nouvelle directive européenne devrait accroître de façon notable le nombre de grandes entreprises qui publient leurs données ESG, puisque moins de 10% le font aujourd’hui, selon l’UE !

Par Sandrine Tesner